Reporters Sans Frontières ne rapporte pas toute la vérité, même avec un nombre accablant d’assassinats avérés attribués au groupe de vigiles
Par Jeb Sprague
Spécial pour Narco News Bulletin
25 janvier 2007
Des résidents de Martissant, un quartier pauvre et tentaculaire du Sud de Port-au-Prince, ont accusé Lame Ti Machèt (L’armée des Petites Machettes), un groupe civil de vigilance, d’avoir joué un rôle dans l’assassinat du photojournaliste indépendant Jean-Rémy Badio le 19 janvier 2006. Selon SOS Journalistes, dont Badio était membre, il a été assassiné après avoir pris des photos des tueurs. Ils affirment que sa famille a reçu de nombreuses menaces de mort. L’Agence Haïtienne de Presse (AHP) a rapporté que, selon de proches amis de Badio, la victime a été l’objet de menaces de mort de la part de membres du groupe de vigiles L’Armée des Petites Machettes et que « des résidents de Martissant accusent L’Armée des Petites Machettes d’avoir commis la plupart des assassinats dans la zone ».
Un premier communiqué de presse émanant de Reporters Sans Frontières, organisation basée à Paris, tentait de rejeter la responsabilité du meurtre non seulement sur Lame Ti Machèt mais aussi sur un autre groupe connu sous le nom de Baz Gran Ravin (La Base du Grand Ravin) qui n’a aucune implication avérée dans le meurtre. La directrice générale de RSF au Canada, Emily Jacquard, a écrit : « Deux gangs armés – Lame Ti Machèt et Baz Grand Ravin – se sont disputés le contrôle de Martissant ces deux dernières années. »
Le communiqué, qui ne mentionne pas l’accusation des résidents contre Lame Ti Machèt d’avoir joué un rôle dans le meurtre de Badio, ne mentionne pas non plus que le nombre accablant d’assassinats politiques documentés à Martissant ces deux dernières années ont conduit à Lame Ti Machèt, ceci inclut le massacre de 21 personnes, l’incendie de 300 foyers le 9 juillet 2006 et le massacre réalisé conjointement avec la police haïtienne le 20 août 2006 lors d’un tournoi de football sponsorisé par US AID. Contrairement aux preuves massives qui démontrent les violents saccages de Lame Ti Machèt, les gens de Martissant expliquent systématiquement que depuis 2004, la Baz Gran Ravin a servi comme groupe d’autodéfense.
On pense que Lame Ti Machèt est née peu après le putsch de 2004, sous la tutelle du régime illégal de Latortue avec pour mission « d’éliminer les gens hostiles au régime par intérim » (AHP, 23/01/07). Un jeune journaliste, Jean Abdias, a été exécuté d’une balle dans la tête par la police du gouvernement par intérim en janvier 2005. RSF et d’autres groupes perçus comme étant partiaux envers les autorités haïtiennes par intérim n’ont pas rapporté l’assassinat.
Selon des rapports de AUMOHD, une organisation de défense des droits humains qui opère à Martissant, le massacre de 2006 perpétré par Lame Ti Machèt « était conçu comme un écran de fumée destiné à provoquer la vengeance de Baz Gran Ravin et ainsi, faire diversion pour éviter la pression de la police et des citoyens pour mettre Lame Ti Machèt en prison. Le coordinateur du conseil communautaire des droits humains (CHCR) d’AUMOHD, Esterne Bruner, a été assassiné par Lame Ti Machèt le 21 septembre 2006. Mais aucune vengeance n’a été rapportée. Au lieu de cela, le CHCR, non violent et non partisan, continue de poursuivre en justice tous les assassinats. »
L’Institut pour la Justice et la Démocratie à Haïti (IJDH) observe que : « L’Armée des Petites Machettes va continuer jusqu’à ce que quelqu’un les arrête. Ils ont perpétré le massacre du match de football d’août 2005 avec l’aide de la police et tout à côté d’un poste d’observation de la MINUSTAH (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation à Haïti). Ils ont frappé à nouveau le jour suivant, incendiant maison après maison. Ils ont réalisé une série d’attaques à l’été 2006. Mais ni la MINUSTAH ni la PNH (Police Nationale d’Haïti) n’arrêtera les leaders. »
Des images du massacre du match de football d’août 2005 sont parues dans le documentaire « Haïti : la démocratie inachevée » de Walt Bogdanich, auteur pour le New York Times. Elles montrent les policiers bien équipés avec des membres de Lame Ti Machèt officiant comme adjoints de la police, courant vers la foule qui crie.
Sous la pression internationale des groupes de défense des droits humains, la PNH, avec l’aide des troupes srilankaises de la MINUSTAH, ont arrêté et emprisonné quinze membres de la police haïtienne cités dans l’enquête de police officielle comme travaillant pour Lame Ti Machèt. Mais les individus arrêtés ont été libérés sous caution en février 2006. Le 19 octobre 2006, le juge Paul Peres a rendu son jugement final en libérant tous les policiers de toute responsabilité mais il a cité des civils dans le cas qu’il a renvoyé devant la cour criminelle.
Les organisations de défense des droits humains ont condamné le juge Peres qui, en tant que partisan du gouvernement par intérim, a libéré les policiers dont la collaboration avec Lame Ti Machèt était notoirement connue. La chef de la PNH, Mario Andersol, a ensuite critiqué la corruption parmi la police judiciaire ; en réponse à cela, certains d’entre eux se sont mis en grève. Les civils cités à la cour criminelle par le juge Peres sont Marck alias Ti Ink, Tél Kale, Kiki Ainsi Connu, Roland Toussaint, Frantz alias Gérald Gwo Lombrit, Roudy Kernisan alias commandant Roudy (chef de Lame Ti Machèt), Carlos, alias Choupit et Jean-Yves alias Brown.
Guyler Delva, de l’Association des Journalistes Haïtiens (AJH), a dénoncé l’assassinat de Badio dans plusieurs médias haïtiens. Amnesty International a également sorti un communiqué de presse pour dénoncer l’assassinat de Badio. L’Associated Press rapporte que Fred Blaise, porte-parole de la police de l’ONU, a expliqué que des membres de gang étaient suspectés dans la fusillade mais qu’aucune arrestation n’avait été effectuée. Suite au récent meurtre de Badio, le Premier ministre haïtien, Jacques Edouard Alexis, a autorisé les soldats de la MINUSTAH à accroître leurs patrouilles à Martissant.
Des milliers de personnes ont été tuées à Haïti depuis le renversement anticonstitutionnel du gouvernement élu en février 2004. Une étude scientifique effectuée auprès d’un échantillonnage spatial aléatoire et publiée dans le journal médical britannique, The Lancet, a révélé qu’entre début 2004 et mi-2006, 4000 personnes ont été tuées par les forces du gouvernement par intérim et ses partisans armés dans la zone du grand Port-au-Prince. La seconde moitié de l’étude présentée ce mois-ci par ses auteurs, montre que la grande majorité de ceux qui étaient visés sont partisans de Lavalas et Lespwa.
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